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Remplacements de courte durée : nouvelle formule, vieille recette ?

Remplacements de courte durée : nouvelle formule, vieille recette ? - SNCL

Depuis la rentrée, un nouveau décret encadre la mise en place des remplacements de courte durée, qu'ils soient effectués dans le cadre du Pacte ou payés de manière classique en HSE. Découvrez les modifications importantes qu'il apporte. 

Les absences de courte durée des professeurs sont régulièrement pointées du doigt comme étant un problème de fond du second degré. Au point que le Président de la République ainsi que le Ministère de l’Éducation nationale ont érigé le remplacement de ces heures en priorité nationale ; annonce faisant évidemment mouche dans l’opinion publique.

Rappelons pourtant que les professeurs comptent parmi les fonctionnaires au plus faible taux d’absentéisme, et que ces « absences » devant élèves sont en grande majorité dues à d’autres raisons de services (réunions, formations, sorties scolaires…) et non à des absences personnelles.

Le décret 2005-1035 visait déjà à favoriser les remplacements de courte durée (RCD). Mais ceux-ci sont difficiles à mettre en place tout en conservant un intérêt pédagogique réel pour les élèves ; Ils étaient par ailleurs instaurés de manière très variable d’un établissement à l’autre.

En cette rentrée 2023, le gouvernement est donc revenu à la charge avec un nouvel outil, le Pacte enseignant, et un nouveau décret concernant spécifiquement les RCD, le décret du 8 août 2023 (qui abroge celui de 2005). Par ailleurs, un guide à destination des chefs d’établissement, riche d’enseignements, « précise » et « complète » ce décret.

 

Limiter les absences par tous les moyens

Dès les premières pages du guide, on constate qu’avant même de chercher à optimiser les remplacements, les chefs d’établissement sont d’abord appelés à réduire les absences par tous les moyens possibles : vérifier la « pertinence » des sorties pédagogiques et les limiter si besoin, demander aux organisateurs de ces sorties d’identifier eux-mêmes les possibilités de RCD, entrainant ainsi un travail préparatif supplémentaire… Les annonces récentes de Gabriel Attal, qui demande à ce que dès cette année (avant généralisation à la rentrée 2024), 50% des formations continues soient organisées en dehors des face-à-face pédagogiques (soit le soir, les mercredis après-midi, et pendant les vacances) répondent à la même logique. Il s’agit de manière générale de limiter les absences face aux élèves en alourdissant notre temps et notre charge de travail, évidemment sans contrepartie financière.

 

Le plan annuel de remplacement : comment ça marche ?

Les RCD sont encadrés par un plan annuel de remplacement, élaboré en concertation avec les équipes pédagogiques et éducatives et le chef d’établissement à l’occasion (normalement) de la préparation de la rentrée. Il doit ensuite être voté en Conseil d’administration. Précisons que ce plan concerne tous les collègues, pas seulement ceux qui prennent une part de Pacte dédiée aux RCD. Il a pour but d’assurer chaque heure inscrite à l’emploi du temps des élèves en cas d’absence de professeur inférieure à deux semaines. Le plan détermine le nombre de créneaux ainsi que le délai dans lequel une heure de remplacement peut être confiée à ces enseignants.

Le chef d’établissement sollicite prioritairement les personnels enseignants qui se sont engagés sur une part fonctionnelle dédiée aux RCD (soit 18h à assurer sur l’année, pour une enveloppe de 1250€). Ces enseignants communiquent au chef d’établissement des créneaux fixes d’au moins une heure dans la semaine, durant lesquels ils peuvent être appelés afin d’assurer un remplacement. Attention cependant : les enseignants concernés ne peuvent refuser d’assurer un remplacement sur l’un de ces créneaux qu’avec un motif légitime d’absence en application des règles régissant les autorisations d’absence classiques. Quota d’heures à effectuer, impossibilité de refuser un remplacement… ce dispositif est donc beaucoup plus contraignant que les RCD payées en HSE.

Les remplacements de courte durée sont prioritairement assurés sous la forme d’heures d’enseignement. Toutefois, pour assurer effectivement les heures prévues à l’emploi du temps des élèves, des séquences pédagogiques peuvent être organisées au moyen d’outils numériques. Ces séquences pédagogiques peuvent être encadrées par des assistants d’éducation. Il s’agit ici d’un changement majeur puisque la prise en charge de séances d’enseignement ne fait normalement pas partie des missions des AED. Première dérive d’une longue série ? En tous les cas, c’est une souplesse dont vont probablement se saisir de nombreux établissements, afin d’afficher un meilleur taux de remplacement : ceci toujours dans l’optique de gagner la bataille de l’opinion publique ! Celle-ci n’ira en effet pas regarder dans le détail la teneur ni la qualité des cours assurés, et par qui… Encore une fois, le rôle du professeur est réduit à celui de « garde-chiourme » … 

Si vous avez le sentiment que votre hiérarchie vous pousse à assurer des missions qui ne sont pas les vôtres, n’hésitez pas à nous contacter. 

 

Plus de travail, plus de contraintes, mais une meilleure rémunération ? Si seulement…

Depuis les mesures prises en amont pour limiter les absences des professeurs, jusqu’à la priorité accordée aux RCD assurés via le Pacte, moins souples que les HSE, on voit bien que ce nouveau système ne va pas dans le sens d’une amélioration de nos conditions de travail (ni même d’une réelle plus-value pédagogique pour nos élèves). Va-t-on au moins être mieux payés ?

Un RCD assuré via le Pacte présente un taux horaire (environ 69€) qui peut paraitre alléchant comparé à une HSE classique, notamment pour un professeur débutant. Cependant, il n’est plus si intéressant pour un enseignant de milieu ou fin de carrière. En effet, la rémunération d’une HSE varie selon le corps et le grade : elle s’élève ainsi à environ 42€ pour un professeur certifié de classe normale, contre 66€ pour un agrégé hors classe. Qui serait prêt à accepter les contraintes bien réelles du Pacte pour 3€ de plus ?

La part fonctionnelle dédiée aux RCD est donc inintéressante pour les professeurs de milieu et fin de carrière, alors que ce sont déjà eux qui ont le moins bénéficié des mesures dites de revalorisation. On voudrait décourager ces professeurs et les inviter à partir, on ne s’y prendrait pas autrement… ce qui peut choquer étant donné la pénurie de recrutement massive et durable à laquelle fait face notre profession.

Rappelons qu’il n’y a aucune obligation à accepter une part fonctionnelle du Pacte enseignant, l’engagement dans celui-ci relève uniquement du volontariat. Les heures de remplacement de courte durée peuvent toujours être payées en HSE.

De même, certaines académies ont tenté de présenter la part fonctionnelle dédiée aux RCD comme un préalable indispensable avant d’accéder aux autres parts du Pacte : rien dans les textes ne le stipule, et face à l’opposition des collègues, la plupart des académies ont fait machine arrière sur ce point. Attention cependant : dès lors que vous prenez une part de Pacte pour quelque mission que ce soit, votre chef d’établissement peut faire prioritairement appel à vous pour assurer des RCD, comme le stipule le guide de mise en œuvre page 11 : « En cas de besoin, le chef d’établissement fait prioritairement appel aux personnels [ayant signé le Pacte] disponibles en tenant compte des créneaux communiqués et inscrits à l’emploi du temps et des délais fixés par le plan »

Certaines académies enfin ont demandé aux chefs d’établissement de conserver des parts fonctionnelles dédiées aux RCD, pour pouvoir les proposer en cours d’année aux enseignants qui auraient dans un premier temps refusé le Pacte, mais qui seraient tentés d’y céder au moment d’assurer des remplacements. S’il s’agit évidemment d’une stratégie pour intégrer progressivement de nouveaux collègues au Pacte, nous préférons vous mettre en garde : la part fonctionnelle vous engage pour 18h. Si vous n’arrivez pas à compléter ce volume horaire, vous serez, dans le meilleur des cas, payé au prorata des heures effectuées (et ne toucherez donc pas l’intégralité des 1250€ prévus pour une part de Pacte). Mais votre chef d’établissement peut aussi vous demander d’effectuer ces heures restantes dans le cadre d’une autre mission du Pacte, pour laquelle vous n’aurez pourtant pas signé, et sur des créneaux horaires qui ne vous conviendront peut-être pas.

Le SNCL dénonce ainsi ce nouveau cadre pour les remplacements de courte durée, qui vient dégrader nos conditions de travail et s’affiche comme une marque de mépris de plus pour notre profession. S’il reconnait que la part fonctionnelle dédiée aux RCD peut représenter une plus-value salariale pour les enseignants en début de carrière, il appelle les autres à ne pas y souscrire.

 

Vous rencontrez des difficultés ou subissez des pressions de la part de votre hiérarchie pour prendre des parts fonctionnelles ou assurer des remplacements de courte durée ? N’hésitez pas à nous contacter par mail à communication@sncl.fr ou par téléphone au 09 51 98 19 42.