Non seulement celle-ci n’apparait plus dans les documents budgétaires de 2025, mais il est possible que son versement soit aussi annulé pour 2024.
« Nous devons tous faire un effort pour réduire les dépenses de fonctionnement » a déclaré le ministre. Et cet « effort » (qui s’ajoute à tous ceux déjà consentis) pour les agents de l’État prendrait donc la forme de la disparition de la GIPA.
Créé en 2008, ce complément de traitement a pour but d’amoindrir la perte de pouvoir d’achat subie par les agents publics dont le traitement n’évolue pas (ou peu) durant plusieurs années (faute de promotion) sur une période où l’inflation, de son côté, augmente. En fonction de la force de l’inflation, cette prime peut être plus ou moins importante. Elle est accordée à tous les agents publics, quelle que soit leur catégorie, tant que leur rémunération est définie par un indice. Pour les contractuels, ces derniers peuvent y prétendre qu’ils soient en CDD ou en CDI mais à condition d’avoir travaillé continûment pour le même service employeur pendant les 4 années précédentes.
Il peut être important de rappeler que la GIPA n’est pas une indemnité (voir décision du Conseil d’État du 2 mars 2010, Région Rhône-Alpes, n°322781).
Ce complément peut parfois représenter entre 1400 et 1900 euros annuel pour des personnels de catégorie A en fin de carrière (comme ceux bloqués à l’échelon terminal de leur grade par exemple). Il s’agit donc d’un apport conséquent pour amoindrir l’effet de l’inflation.
Le dispositif, d’abord pensé pour durer deux ans, s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui, l’enveloppe globale s’étant même considérablement alourdie avec la reprise sévère de l’inflation à la sortie de la crise du COVID-19 : et c’est sans doute là une des motivations cachées du ministère.
Une facture qui explose
En effet, la GIPA aurait coûté 267 millions d’euros au global l’an passé.
Lorsqu’on regarde dans le détail l’évolution du coût du dispositif, ne serait-ce que dans la seule fonction publique d’État, les chiffres sont sans appel :
En 2021 : la GIPA avait permis le reversement de 13,9 millions d’euros à 25 000 bénéficiaires.
En 2022 : 56 millions d’euros à 100 000 bénéficiaires environ.
En 2023 : 129 millions d’euros à près de 200 000 bénéficiaires.
Des chiffres importants mais qui n’ont rien de surprenant pour autant : les gouvernements successifs ayant refusé de considérer la perte de pouvoir d’achat de leurs agents, et les quelques mesurettes mises en œuvre s’étant révélées loin d’être à la hauteur du problème, la GIPA est apparue comme l’ultime garde-fou pour de nombreux agents.
On pourrait même aller plus loin dans l’analyse : le très faible dégel du point d’indice concédé depuis 2022 n’ayant pas couvert la perte provoquée par l’inflation, la GIPA révèle la hauteur du préjudice pour les agents au salaire bloqué. Partie émergée de l’iceberg, puisque dans le même temps des centaines de milliers d’autres agents ont vu leur perte de pouvoir d’achat (tout aussi réelle que pour leurs collègues bénéficiaires) absorbées par un passage d’échelon ou une promotion qui les prive de la GIPA ! Ainsi, de nombreux collègues n’ont pas eu d’augmentation de salaire grâce à leur avancée de carrière, mais simplement de quoi éviter de perdre du pouvoir d’achat !
Une disparition dès 2024 ?
Alors que le ministre prétend vouloir « rencontrer les organisations syndicales » sur le sujet, les documents habituellement publiés durant l’été concernant la GIPA et fixant son montant pour 2024 ne sont toujours pas parus au Journal officiel. Un retard qui laisse craindre une disparition, qui permettrait aux différents ministères de dégager probablement plusieurs centaines de millions d’euros d’économie immédiate. Car il ne faut pas oublier que la GIPA concerne aussi les personnels de la fonction hospitalière et de la fonction territoriale : de quoi mettre le feu aux poudres et d’unir toutes les fonctions publiques dans leur mécontentement !
Avec plus de 143 000 bénéficiaires potentiels dans la territoriale, les fiches d’impact promettaient également une explosion du nombre de ces derniers, au vu des derniers chiffres de l’inflation.
Un malheur ne venant jamais seul…
Dans le même temps, l’équipe ministérielle compte bien poursuivre le projet de réforme de la fonction publique. Les dernières lignes directrices laissées sur la table par l’ancien ministre, Stanislas Guerini, étaient particulièrement préoccupantes : facilitation du licenciement, fusion des catégories de fonctionnaires, instauration de la rémunération au mérite… Des bouleversements qui seront autant d’occasions pour un gouvernement en recherche d’économies de réaliser quelques réductions des coûts de fonctionnement de l’Éducation nationale.
La position du SNCL
Le complément de traitement Gipa n’était certes pas parfait et, de par sa nature transitoire, il n’avait finalement de « Garantie » que le nom. Mais dans une période d’austérité budgétaire, il était un pis-aller conséquent pour de nombreux collègues, notamment ceux avancés dans la carrière. Avec sa suppression, c’est à nouveau ces derniers qui sont principalement pénalisés, après avoir été évincés d’à peu près toutes les mesures de revalorisations salariales en 2022.
Quoi qu’il en soit, ce dispositif ne faisait que cacher le cœur du problème : l’absence de revalorisation du point d’indice à la hauteur réel du manque généré par l’inflation. C’est donc d’abord sur cet indice qu’il faut agir. Enfin, nous ne parlons ici que de ce qui permettrait de compenser l’inflation, et donc d’éviter la perte de pouvoir d’achat. Il ne peut donc pas s’agir d’une mesure d’attractivité en soi, celle-ci supposant un gain à travail constant. À ce niveau, le chantier reste ouvert pour le SNCL, bien qu’avec peu d’espoir de le voir repris prochainement dans le climat actuel…