Élèves en crise impossibles à gérer, parents méprisants et agressifs, hiérarchie absente voire même culpabilisante, les raisons du mal-être enseignant sont nombreuses.
A l’heure où la santé mentale est désignée cause nationale 2025, l’Éducation nationale ne se préoccupe toujours pas de la santé de son personnel. Comment un professeur à la limite de l’épuisement professionnel, voire de la dépression, peut-il réussir à tenir face à des classes surchargées et des élèves pour certains en grande difficulté scolaire et pour d’autres présentant des troubles du comportement relevant d’instituts spécialisés ?
Partout, les CMP, CMPP, IME et autres structures d’accueil, offrant une prise en charge gratuite aux enfants à profils particuliers, sont surchargés avec des listes d’attente de plus de 6 à 12 mois.
Les moyens qui leur sont alloués diminuent alors que les besoins augmentent. Les parents qui le peuvent se tournent alors vers des professionnels en libéral mais les délais de prise en charge dans bon nombre de départements dépassent 12 mois chez les orthophonistes, neuro-pédiatres, neuro-psychiatres, psychomotriciens… En attendant, et malgré les difficultés, l’élève est scolarisé sans moyen et sans aide spécialisée.
Face à cela, l’enseignant est le plus souvent seul. La situation est encore plus critique en maternelle puisque c’est souvent là que les diagnostics se font et qu’entre la détection d’un problème et sa prise en charge une année scolaire se passe. Bien souvent les professeurs de maternelle n'ont pas d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) dans leur classe et sont donc seuls avec des enfants de 3 à 5 ans encore peu autonomes et très demandeurs de l’attention de l’adulte. Dans les situations de troubles du comportement, l’enseignant est souvent démuni et se retrouve à gérer l’élève en crise en essayant d’assurer la sécurité de tous au détriment des apprentissages.
Dans les écoles, l’enseignant est le plus souvent seul en classe pour affronter ces situations de crise. Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pourtant notifiés ne sont pas toujours recrutés. Ainsi des élèves en situation de handicap sont accueillis sans aide humaine. La maltraitance institutionnelle s’abat donc aussi sur les élèves. D’ailleurs si un AESH est absent, il n’est pas remplacé même pour des congés longs !
Et pour rajouter à la difficulté, les remplaçants se faisant rares, les classes déjà surchargées sont prêtes à craquer avec l’accueil des élèves des collègues malades.
Culpabilité pour les uns, ras-le-bol pour les autres…la coupe est plus que pleine. Les enseignants déjà multi-casquettes doivent donc remplacer leurs collègues malades ainsi que les AESH. A croire que le ministère pense que l’utilité des AESH reste à prouver.
Il est en outre à noter que le remplacement des collègues absents dans le premier degré par les collègues de la même école n’offre droit à aucune prime de sujétion particulière, ce qui est une aberration qui doit être le plus vigoureusement combattue.
Et maintenant, au lieu de former les enseignants à la gestion des élèves à troubles du comportement, au lieu de créer un vrai métier d’AESH avec un salaire digne et une véritable formation, voilà que la nouvelle ministre nous parle de réduire les vacances scolaires !
A l’heure où des enseignants craquent en salle des maîtres ou même dans leur propre classe, tant les journées sont difficiles, voilà qu’on veut leur enlever la seule chose qui leur permet de tenir le rythme. Ces temps de vacances sont des moments durant lesquels les enseignants travaillent aussi mais dans le calme, à leur rythme, sans gestion de crise, sans agitation, sans sollicitation permanente ... Un bol d’air qui permet de tenir en classe et qui est indispensable, tant les conditions de travail des enseignants sont dégradées.
Ville de Paris : la fin d’un régime d’exception ?
Depuis 1982, les écoles de la capitale bénéficient d’une convention signée avec l’État et financée par la ville de Paris permettant de décharger entièrement de leurs services d’enseignement les directeurs et directrices d’écoles maternelles et élémentaires comptant au moins 5 classes.
Depuis 2017, la réduction globale des moyens et les fermetures de classe sont continues et concernent exclusivement l’enseignement public à Paris, mais jusqu’à présent la convention avait été maintenue.
En novembre 2024, la chambre régionale des comptes d’Île-de-France a émis une préconisation d’abandon du dispositif d’exception maintenu par la convention. Le ministère, sous la pression constante de recherches d’économies, s’est engouffré dans la brèche et, au nom de « l’équité territoriale », a décidé de ne pas renouveler la convention. Un nivellement par le bas particulièrement dommageable, alors que les bienfaits du dispositif ont été prouvés, tant au niveau du climat scolaire que des résultats des élèves, en particulier dans les quartiers populaires.
Il s’agit donc d’une régression majeure pour les 654 écoles parisiennes : 42 établissements se sont déjà vu annoncer la perte de leur décharge de direction dès la rentrée 2025.
La FCPE Paris a immédiatement réagi en lançant une pétition où elle rappelle que « la décharge d’enseignement permet aux directrices et directeurs d’école d’assumer pleinement leurs fonctions administratives et pédagogiques, avec des bénéfices tangibles pour les élèves et les familles ». Pour la fédération de parents d’élèves, cette décision « annoncée brutalement, sans aucune concertation » est « contraire à l’intérêt des enfants et des familles parisiennes ».
Le SNCL rejoint cette analyse et appelle la Ministre de l’Éducation Nationale à revoir sa position et à accepter la convention proposée par la ville de Paris pour préserver un dispositif essentiel à la bonne gestion des écoles et à la qualité de l’enseignement : il faut au contraire travailler à l’extension progressive de tels dispositifs sur l’ensemble des territoires, afin de soulager tous les personnels impliqués dans la direction des écoles.