Il n’est pas étonnant que, parmi les cadres, les enseignants soient considérés comme les plus touchés par les risques psycho-sociaux : comportements irrespectueux, agressions verbales et physiques, actes de vandalisme, violences diverses, agressivité des parents, autant d’attitudes qui ne peuvent que déstabiliser tout professionnel surtout lorsqu’ils sont répétés comme c'est le cas dans le cadre scolaire.
De ces diverses formes de violence il découle pour les enseignants un stress intense qui se traduit souvent par un état chronique d’anxiété et d’angoisse. La personne concernée se sent dépassée et éprouve une forte perte de confiance et d’estime de soi.
Les causes de ce phénomène sont multiples ce qui a conduit l’Education nationale, après de nombreuses demandes de la part des organisations syndicales, à prendre en considération le problème. Après une longue période de déni, les responsables politiques ont diligenté des enquêtes, dont celle du Service statistique du ministère (DEPP).
Il en ressort plusieurs indices que l’on peut appliquer notamment aux enseignants. Avec l’évolution très rapide du métier d’enseignant qui a dû s’adapter à des publics différents pour lesquels l’école ne représente plus le seul moyen de transmission des connaissances, le travail est devenu considérablement plus complexe ; le professeur peut éprouver le sentiment d’être sous pression ou dépassé, par exemple.
Dans une société devenue plus permissive et tolérante, la notion d’effort et de sens du travail s’est amoindrie pour de nombreux élèves. L’organisation même du système scolaire dans lequel le redoublement est devenu exceptionnel, favorise le report sur l’année suivante des difficultés scolaires sans que les remédiations nécessaires soient toujours organisées au plus tôt.
De nombreuses réformes, souvent contradictoires, menées à un rythme effréné, créent un climat d’instabilité pour les enseignants mais aussi une surcharge de travail. Cela peut faire ressortir le sentiment de ne pas bien faire son travail et une remise en cause de leur professionnalisme.
L’enquête fait ressortir comme l’une des causes majeures du stress au travail le manque de soutient de sa hiérarchie ressenti par le salarié ainsi que les pressions que celle-ci exerce sur l’enseignant pour le contraindre. Cela apparaît davantage dans le premier degré que dans le second degré où la pression institutionnelle semble moins forte.
Les symptômes de ces formes de violence professionnelle peuvent être psychologiques voire psycho-somatiques : troubles de l’attention et du sommeil, douleurs chroniques, fatigue. Ces pathologies peuvent aboutir à des taux importants d’absentéisme et d’arrêts maladie.
Malgré ces constats alarmants, le ministère de l’Education nationale, tout entier tourné vers les économies budgétaires engendrées par les dernières réformes pédagogiques semble privilégier l’attentisme plutôt que le nécessaire investissement dans le bien-être au travail de ses personnels. Avec seulement près de 80 médecins du travail dans les services académiques, la tâche pour chacun d’eux est énorme et les possibilités de reconversion professionnelle infinitésimales par rapport aux besoins.
Les annonces de réformes à venir d’ici 2022 (casse des statuts, désinvestissement de l’Etat dans la fonction publique, recrutement augmenté de contractuels précarisés…) ne laissent pas augurer d’une amélioration des conditions de travail des enseignants qui pourraient se voir marginalisés comme concepteurs de leur métier et à qui ne pourrait être demandé que d’appliquer des « recettes » prétendument scientifiques venues d’en haut.